Biographie Fournier Gilbert
Virginie naît et grandit à Lauzon sur la rive sud de Québec, au Manoir Samson, dans une famille aimante et prospère. Elle est la troisième d’une maisonnée de neuf enfants. À trois ans, ses yeux sont affectés par une grave insolation et ce malaise la poursuit toute sa vie.
Dès son jeune âge, Virginie apprend le sens de l’hospitalité aux côtés de sa mère qui ne ferme jamais la porte aux nécessiteux. Par son attention aux autres, sa compassion envers les pauvres et sa grande dévotion, elle sème dans le cœur de Virginie les premiers grains de sa vocation religieuse. Ces qualités sont confortées par sa marraine Ursule Samson, éprise de la vie de prière, qui vit avec la famille Fournier.
Ses études chez les religieuses de Jésus-Marie lui valent un diplôme académique qu’elle complète par une année de spécialisation en botanique. À 19 ans, elle est admise au noviciat des Dames de Jésus-Marie. Quelques jours avant son entrée, l’affection à ses yeux récidive et la menace de cécité. Virginie est déclarée inapte à la vie religieuse.
En 1864, le couple Fournier-Samson, héritier et gardien du patrimoine des Samson, se voit progressivement dépouillé par les autorités britanniques de leur propriété ancestrale de Lauzon. Plusieurs arpents de terre sont réquisitionnés par des ingénieurs royaux anglais qui y construisent des fortifications contre les possibles agressions des colonies américaines.
Ensuite, M. Fournier perd tout le bois qu’il avait fait couper et qu’il destinait pour les États-Unis : dans la nuit du 12 août 1867, les wagons qui acheminent le bois sont brûlés par une main criminelle. Enfin, coup de grâce, les autorités navales décident, comme il se fait de plus en plus à l’époque, de ne plus construire les coques de bateaux en bois. La perte est considérable. En 1869, il se voit dans l’obligation de vendre sa terre et d’émigrer à Stanfold (Princeville) dans les Cantons de l’Est. La famille y demeure deux ans et demi, cultivant la terre et s’occupant d’un rucher. En ce milieu anglophone, chacun perfectionne la langue seconde.
En 1872, après leur séjour à Stanfold, la famille Fournier émigre aux États-Unis à Fall River au Massachusetts. Elle s’installe dans la paroisse Sainte-Anne, au village Flint. En 1874, leur village est affecté à la nouvelle paroisse Notre-Dame-de-Lourdes. Cette agglomération qu’on appelle « Canada français en miniature », est desservie par l’abbé Jean-Baptiste Bédard, premier prêtre canadien français.
Parfaite bilingue, Virginie rend de nombreux services à ses concitoyens francophones. Elle ajoute à son travail, tantôt en manufacture, tantôt dans l’enseignement (elle est la première institutrice de sa paroisse), quantité d’activités bénévoles tout en soignant son père paralysé.
En 1877, les religieuses éducatrices de Jésus-Marie s’installent dans la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes. Virginie se joint à elles comme institutrice laïque et devient présidente du groupe des Enfants de Marie.
Entre 1878 et 1882, Virginie entreprend deux noviciats chez les Sœurs Augustines et les Sœurs de Jésus-Marie au Québec. N’ayant pu accomplir son rêve, Virginie revient à Fall River, se consacre à sa famille et aux paroissiens. Elle soigne son père jusqu’à sa mort en 1889, reprend l’enseignement, s’occupe des Enfants de Marie, seconde le curé dans les besoins de la paroisse, et ce, jusqu’en 1892. Cette année-là, elle quitte définitivement sa famille pour répondre à l’appel de Joseph-Onésime Brousseau. Son aventure à Fall River aura duré vingt ans.
L’attrait pour la vie religieuse ne quitte jamais Virginie. En juillet 1892, pendant qu’elle exerce sa charité envers les siens à Fall River, elle reçoit une lettre de Mère Saint-Norbert des Sœurs de Jésus-Marie. Celle-ci l’invite à participer à l’œuvre du curé Brousseau à Saint-Damien et la presse d’entrer en communication avec lui. Cette lettre est le début de la grande aventure qu’elle s’apprête à vivre.
Virginie arrive à Saint-Damien le 26 août. Le curé reconnaît en elle la fondatrice de sa communauté et dans son cœur, une voix se fait clairement entendre: « Ne la laisse pas partir ! »
Il lui explique son projet et lui demande une réponse pour le lendemain matin après la messe. Virginie est divisée entre son envie de retourner auprès de sa mère malade et son désir de devenir religieuse. Son dilemme la fait souffrir et elle relate : « Par deux fois, pendant la messe, j’ai cru que j’allais mourir, tant le cœur me faisait mal. »
Elle demande à retourner à Fall River pour préparer sa mère à la séparation mais le curé ne la laisse pas partir. Il lui donne deux minutes de réflexion. La divine Providence la conduisant, elle accepte le défi et consent à rester auprès du curé Brousseau pour établir l’œuvre qu’il porte en son cœur.
« Me voici ! Disposez de moi comme il vous plaira ! »
Virginie abandonne tout et se consacre au Seigneur le 28 août 1892. On lui donne le nom de Mère Saint-Bernard. Auprès de ses premières compagnes, Marie-Louise Labbé, Olivine Métivier et Aurélie Mercier, Mère Saint-Bernard devient l’indispensable élément de stabilité sur lequel repose la fondation de la jeune communauté.
Sous sa gouverne, la congrégation prend doucement son envol. Elle est reconnue civilement le 12 janvier 1895. Le premier conseil général est formé le 4 mai de la même année et la fondatrice est élue supérieure générale. Elle cumule également les charges de maîtresse des novices, d’économe, de secrétaire et d’enseignante. En tout temps, elle accompagne ses sœurs dans le cheminement de la vie communautaire et leur insuffle le zèle missionnaire.
En 1898, relevée de ses responsabilités de supérieure générale, Mère Saint-Bernard applique ce qu’elle enseigne à ses filles. Elle vit dans l’effacement auprès des vieillards, des pauvres, à la cuisine et à la buanderie. Elle soigne les malades, enseigne aux enfants et avec ses connaissances des plantes médicinales, elle se fait pharmacienne.
Remplie de sollicitude aussi bien pour ses sœurs que pour les pauvres, la fondatrice se donne sans compter. « Femme de toutes les besognes », elle inculque à travers son exemple les valeurs de simplicité, d’effacement, d’humilité, de compassion, d’accueil inconditionnel et d’amour pour les plus miséreux.
Femme du long désir, Virginie attend 25 ans avant de réaliser son rêve. Après deux essais en communauté, elle embrasse la vie religieuse à 44 ans. Durant toutes ces années, elle ne cesse de chercher la volonté de Dieu. Son désir se creuse et « son âme s’établit dans la pauvreté », si bien qu’elle écrit en 1894 :
« La divine Providence ne conduit rien qu’à bonne fin, et plus la chose que l’on désire semble éloignée et digne d’être désirée, plus le bonheur de la posséder devient grand. »
Burinée par la maladie, les déceptions, les humiliations et les épreuves de toutes sortes, Virginie (Mère Saint-Bernard) ne cesse de vivre dans la main de Dieu. Peu importe le lieu où elle vit, peu importe le travail confié; ce qui est premier pour elle, c’est ce que Dieu veut. Femme d’écoute, de silence et d’humilité, elle enseigne à ses filles spirituelles par son exemple et par sa parole.
« Faites toutes la volonté du bon Dieu. Soyez simples, n’ayez qu’un désir : celui d’être uniquement ce que Dieu veut et de faire sa volonté telle qu’elle se présente. »
À chaque instant elle revit son « oui » initial dans l’abandon à la Providence et dans la confiance en Marie.
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