Biographie Foley Leopold
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Registre de la paroisse de Saint-Casimir
Biographie de Léopold Foley
par
son fils Jean-Louis Foley
En 1895, à un mois d'intervalle, naquirent deux beaux bébés.
L'un à Saint-Casimir, à 6 kilomètres de l'église dans une agglomération qui est devenue peu après, en 1898, Saint-Thuribe; c'est Léopold, fils de Philéas, que l'on a le plus souvent appelé «Paul». Aujourd'hui, en 1974, ses trois filles, avec un brin de respect mitigé d'affection, se permettent de dire «Ti-Paul», surtout au bridge!
L'autre, une belle petite fille, née au rang de la rivière Des Envies à Saint-Stanislas, enfant d'Ovide Châteauneuf et de Rose-de-Lima Crête.
Je ne sais pas grand-chose de leur prime jeunesse. Je me prends cependant à comparer la facilité de scolarité des jeunes Québécois d'aujourd'hui avec ceux de 1901-1902, l'année probable de l'entrée de papa et maman à l'école primaire.
À l'automne 1973, je suis parti seul avec papa en automobile pour une randonnée de réminiscences historiques du village de Saint-Thuribe. Papa m'a montré l'emplacement de la ferme de son père Philéas ainsi que l'endroit où était bâtie la petite école (aujourd'hui démolie) du rang: «c'est ici qu'était l'école où j'ai commencé mon cours».
Malheureusement pour lui, «son cours» n'a pas été long, car déjà en 1909, à 14 ans, le jeune Paul va travailler dans les chantiers et suivre «le cours» de la vie manuelle.
Pendant ce temps, la petite Héléna, à la petite école de la Petite Rivière suivait «son petit cours». Ça fait «petit» comme cours, mais ma mère a dû étudier plus longtemps; elle est même devenue maîtresse d'école comme plus tard deux de ses filles: Mado et Claire.
J'ai dit pour papa «Malheureusement», car j'ai été à même de constater son talent pour retenir et bien prononcer des mots anglais, ainsi que des mots japonais lors de son trop court voyage au Japon en 1965 à 70 ans.
De plus, un peu passé la soixantaine, il s'est remis à l'étude de la grammaire française et de la comptabilité pour pouvoir mieux rédiger ses rapports au ministère de la Santé. C'est avec des sentiments de joie et de tristesse que j'avais appris cette nouvelle: joie et orgueil du fils qui voit son père déployer un tel courage et des efforts ardus (veut, veut pas, à 60 ans la mémoire est diminuée); tristesse aussi de constater qu'il n'avait pas eu la chance que lui-même m'a procurée plus tard (et à quel prix!) du cours classique.
Nos parents, eux, ne craignaient pas de se sacrifier à blanc pour payer le cours classique d'au moins un de leurs garçons. Enfant, je n'étais pas au courant des difficultés fimancières de mes parents; car né en 1926, je n'avais que 3 ans lors du «crash» économique. Ce n'est que plus tard, devenu adulte, que j'ai appris par exemple que mon père avait vendu son auto pour me faire entrer au séminaire. C'est aussi à ce moment-là que j'ai compris pourquoi, à un moment mystérieux, mon père m'avait demandé si je ne lui prêterais pas le cinquante dollars que j'avais en dépôt à la B.C.N. de Saint-Casimir, qu'il me donnerait 1 % d'intérêt de plus que la banque, donc 5 % au lieu de 4 %...
J'ai toujours eu «un gros moton» dans la gorge chaque fois que je repensais à la scène plusieurs fois répétée à la sortie du parloir du séminaire lorsque la grosse main solide du père me glissait un cinq dollars (parfois un dix) en disant d'une faible voix: «Tu prendras 2,50 $ pour tes intérêts... et le reste pour tes petites dépenses.»
Et aujourd'hui même, le 31 juillet 1974 à 15 heures, en écrivant ces lignes, j'ai braillé comme un bébé. Merci papa! Et en repensant à ces années, je me dis: «Pourquoi moi, et non pas mon frère Claude, qui a eu cet avantage du cours classique? Pourquoi Roger et non pas Dave, ou Frank ou Paul?»
MARIAGE
Mon père Paul n'a jamais été «un jasant»; Héléna non plus... du moins sur sa vie de jeunesse. Ce n'est que l'an dernier, en 1973, que j'ai appris comment ils s'étaient connus.
Philéas ayant acheté sa première boulangerie à Saint-Stanislas, c'est là que Paul va apprendre le métier de boulanger. Mais à ce moment-là, il ne «rencontre» pas Héléna. C'est à la mi-carême de 1917 que Paul, 21 ans, travaillant alors à la nouvelle (2e) boulangerie de Saint-Casimir, va «se promener» à Saint-Stanislas.
Son frère David était marié à Fédéline Dessureault, et une des soeurs de maman, Jeanne, mariée à Tancrède Dessureault. D'où l'invitation aux petites Châteauneuf non mariées, dont Héléna, 21 ans, à une soirée de la mi-carême: «Ça se passait de même dans le bon vieux temps» dit la chanson.
Ces deux jeunes de 21 ans se sont rencontrés... et se sont aimés. Coup de foudre? Je ne sais pas.
Tout ce que je sais, c'est que six mois plus tard, le 16 octobre 1917, c'était le mariage à l'église de Saint-Stanislas et les festivités d'usage, probablement à la maison d'Ovide Dessureault à la Petite Rivière.
En 1967, peu avant mon 3e départ pour le Japon le 25 juin, on a fêté chez mon frère Claude, dans l'intimité des 5 enfants et 10 petits-enfants, ces 50 ans de vie que je vais maintenant évoquer.
Je résume ici les 50 années de papa et maman en trois mots:
1- TRAVAILLER;
2- AIDER LES PAUVRES;
3- ÉDUQUER LEURS ENFANTS.
TRAVAILLER:
De mon père, Paul, je dirais: «Il a trimé» au sens littéral. De ma mère, Héléna: «Elle en a lavé des planchers». En un mot, les deux ont travaillé continuellement sans congé... sans vacances.
Le premier congé de mon père me semble être celui de 1965, alors qu'à 70 ans, il prend sa retraite et part en voyage autour du monde avec sa fille Mme Claire Bélanger, Mme Blanche Bélanger et comme cicerone nul autre que son neveu l'abbé Henri Foley. Du même coup, il constate sur place le travail de ses deux enfants missionnaires en Asie: Yolande au Laos et moi-même au Japon.
Les seuls congés d'Héléna (et quels congés!) furent de se rendre plusieurs fois à l'hôpital pour des opérations du foie, etc. sans oublier les longs mois de sanatorium à l'Hôpital Laval.
C'est parce qu'elle avait beaucoup «de coeur au ventre» comme on dit, qu'Héléna a abattu toutes les besognes que je ne finirais pas d'énumérer:
- donner naissance à six «beaux enfants»;
- essuyer (des deux bouts) les morveux que nous étions;
- faire à manger et bon manger; comme preuve, il y a toujours eu chez nous beaucoup de visiteurs;
- laver, coudre, réparer, refaire du neuf avec du vieux;
- répondre à la boutique;
- rentrer les comptes;
- et LAVER LES PLANCHERS.
Un petit fait de l'automne 1973. Un bon jour j'arrive à la maison à l'improviste, comme je faisais d'habitude. Maman était couchée, indisposée. Mon «discret» paternel m'informe dans le creux de l'oreille qu'elle avait, la veille, lavé le plancher de la vieille boulangerie qui sert de remise.
«Je voulais le laver moi-même», dit mon père, mais debout avec la «moppe», mais ta mère n'a pas voulu; pour elle, si ce n'est pas lavé à genoux en frottant avec la grosse brosse, ça ne compte pas».
J'ai cru de mon devoir de fils de la chicaner un peu, câlinement.
De son côté, Paul a joui d'une santé formidable et d'une très grande force physique. On peut dire que pratiquement «il n'a pas vu le médecin» jusqu'en 1972, date où il subissait une grave opération au pylore, qui est un sphincter formant l'orifice inférieur de l'estomac.
Ses dons physiques et son courage lui permettaient d'ajouter d'autres sources de revenus au maigre profit de la boulangerie, à mesure que les nouveaux marmots naissaient:
- tout en «passant le pain» dans les rangs, pourquoi ne pas faire le commerce de la moulée pour les cultivateurs? Mais alors il fallait construire une grange et surtout décharger un char complet de poches de farine et de moulée après la journée régulière de travail, journée commencée à 6 heures le matin en allant chanter deux ou parfois trois messes.
Claude, mon frère, tu t'en souviens, quand on allait lui aider à la station du C.N.R. pour charger le «quatre-roues». Pendant que lui chargeait dix poches de 100 livres, on avait à peine le temps, nous, de rapprocher 2, 3 poches au bord de la porte du wagon. Lui, il «pognait» ça par une «oreille» comme il disait, et il «swingnait» ça dans le «quatre-roues». Nous deux, on soufflait plus fort que la vieille jument qui avait, paraît-il, le «râle».
- Je ne sais diable pas où il a appris ça, mais il pouvait défaire une bicyclette en petits morceaux et la remonter en un tour de main.
- Comme ça ne suffisait pas encore à boucler le budget, il a acheté une, deux... peut-être trois terres à bois. Il trouvait le temps, surtout l'hiver, d'aller bûcher des arbres, les débiter, les apporter à la maison, où à temps perdu (ce qu'il en a perdu du temps!) il sciait les troncs, fendait à la hache les billes d'érable. Quand il en avait 4, 5 cordes, il louait un camion pour aller vendre aux Trois-Rivières ou à Québec en ville.
AIDER LES PAUVRES:
C'est-à-dire les plus pauvres que lui; car avec la crise économique des années 1930, presque tous les citoyens de Saint-Casimir étaient pauvres.
Quand j'ai commencé à passer le pain durant mes vacances d'étudiant, j'ai été un peu initié aux comptes. Je me souviens d'une famille nombreuse et pauvre qui avait une dette de 400 $ de pain. C'était plus fort que lui, papa ne pouvait pas REFUSER le pain aux pauvres.
Il s'est occupé pendant plusieurs années et fut président de la Société Saint-Vincent-de-Paul, bien secondé d'ailleurs, là aussi, par maman qui ne ménageait pas ses soirées à préparer des caisses de linge pour les pauvres.
Et ce n'est pas fini: en janvier 1974, en préparant mon 4e départ pour le Japon, je me suis rendu plus d'une fois dans l'ancienne boulangerie (je marchais à pas feutré pour ne pas salir le plancher bien lavé), j'y ai vu des caisses de linge... pour les pauvres. Maman trouvait aussi le temps (le tour) de s'occuper de bazar pour aider les finances du Couvent des Soeurs de la Providence.
ÉDUQUER LES ENFANTS:
Dans ce travail de patience, j'inclus ici les souffrances pour des parents de perdre un enfant. La deuxième fille, Monique, est morte, en effet, à 5 ans.
J'inclus aussi la douleur morale de voir leur fils Claude de ne pas pouvoir marcher à un an, ni à 2, 3, 4. Ce n'est qu'à 5 ans, après un pèlerinage à l'Oratoire Saint-Joseph de Montréal, que Claude s'est mis à marcher. Avec une petite pointe d'ironie, j'ajoute qu'il a bien repris le temps perdu! ah! ah!
Pour Paul et Héléna, éduquer leurs enfants c'était d'abord l'éducation de l'âme à la foi chrétienne, par l'exemple d'une vie de prières et quelques bons mots à point. La prière du soir, que je trouvais longue et ennuyeuse, reste un des meilleurs souvenirs de notre vie familiale commune.
C'était aussi l'éducation de la volonté, surtout en cultivant en nos coeurs la joie de rendre service aux autres et de devenir de bons citoyens.
C'était aussi l'éducation de l'esprit et l'instruction. C'est grâce au soutien moral de papa et maman que:
- Madeleine a pu pousser ses études de piano jusqu'à obtenir son lautéat;
- Claude a pu faire carrière dans l'assurance;
- Claire et Yolande soient devenues de bonnes infirmières licenciées;
- Jean-Louis... un «mouton noir» par famille, ça suffit!
C'était enfin occasionnellement, en peu de mots, mais par un geste convaincant, l'éducation corporelle.
Mon frère et mes soeurs, tous bons enfants, non sans doute (c'est le mot qu'on emploie quand on doute) jamais subi les foudres du paternel.
Je prendrai comme exemple un fait concernant mes propres fesses pour prouver que mon père connaissait le proverbe latin: «Pueri et naves per posteriora conducentur.» Traduction vulgaire: «Les enfants, tout comme les navires, sont conduits par... la partie arrière...»
Je devais avoir 8 ans. Un midi d'été, je jouais dehors avec des compagnons et je n'étais pas pressé de répondre à ma mère, qui par deux fois était sortie pour me crier: «Jean! Dîner!» La troisième fois, c'est le père qui est sorti et qui m'a donné une seule, mais une de ces tapes aux fesses, en disant: «Tu ne feras pas attendre ta mère comme ça.» Le dîner n'a pas été long... parce que la chaise m'a semblé brûlante...!
Pour mon père, vu sa grande force physique et la largeur de sa palette de main, il a dû avoir l'impression d'y aller avec modération; mais quant à moi, les deux pieds m'ont levé et j'ai eu l'impression qu'il avait fendu ma culotte... «Oui, je l'aurai dans la mémoire longtemps.»
Ici, au Japon, le Père Foley a la réputation d'être un homme à temps pour la messe, pour les rendez-vous, les cours. Y aurait-il cause à effet? J'ajoute un autre fait de mes éducateurs. Quand j'ai commencé à «sortir avec les filles», des langues bien pendues ont dit que j'étais volage. Pour moi, c'était simplement rester libre, face à une décision future.
Un certain soir d'été de mes 16 ou 17 ans, j'étais parti avec ti-Guy Lacourcière dans son auto pour aller voir «ma blonde» de Saint-Raymond. Nous sommes revenus vers 2, 3 heures du matin. On ne peut pas «casser la veillée» surtout quand l'auto est au copain. Je ne pouvais pas non plus revenir à pied (comme le fera 25 ans plus tard mon neveu Jean-Pierre, fils de Claude: Saint-Ubald est moins loin que Saint-Raymond). Naturellement, «mes autorités» n'ont pas dormi jusqu'à mon arrivée. Le lendemain, ou mieux quelques heures plus tard (la nuit a été courte), en chargeant le pain, mon père m'a dit simplement quelque chose comme: «Tu nous as fait de la peine à ta mère et à moi, il ne faudrait pas que ça se répète.» Pour moi, c'était plus brûlant que la tape aux fesses de sept ans auparavant.
En guise de conclusion, Paul et Héléna, pour moi, ont été des modèles et des bons chrétiens. J'ai blessé leur humilité en écrivant ces lignes; mais comme tout humain, ils ont traversé la vie en acceptant ses épreuves. Leur grande charité, que le Seigneur a enregistrée, les a toujours soutenus.
Je remercie le bon Dieu de m'avoir donné un tel père et une telle mère. Je ne l'ai jamais si bien compris que le jour où, enseignant le 4e commandement (Père et mère tu honoreras) à cinq grandes filles de 15, 16 ans, l'une d'elles m'a dit en pleurant: «Je ne pourrai jamais devenir chrétienne! Pourquoi? Je ne pourrai jamais avoir de respect pour un père tel que le mien.»
En juillet 1974, à Tokyo, trois petits gars de Saint-Casimir se sont rencontrés: le frère Gervais, f.i.c., le frère Vachon (Isidore), f.e.c., et moi. Le frère Isidore m'a dit: «T'es chanceux, t'as encore tes parents.» Oui, je suis chanceux!
En février 1974, lors de mon 4e départ pour les Missions, j'ai quitté mes parents de 78 ans à la maison paternelle. Mon père m'a dit: «Ta mère et moi, nous aimerions que tu restes ici, près de nous, mais on sait que tu as beaucoup de bien à faire là-bas. Vas-y.»
Pour moi, c'est une parole d'or, c'est l'envoi missionnaire, c'est la parole du Christ: «Allez, dans toutes les nations, faites des disciples.» Matthieu 28, verset 19.
Tout paradoxal que ça puisse paraître, c'est en grande partie leur acceptation chrétienne de la souffrance de la séparation qui me donne le courage de continuer ma mission, et conséquemment la séparation. Comprenne qui pourra!
Jean-Louis Foley, p.m.é.
(Cette biographie a été écrite en 1974 du lointain Japon.)
Extrait du document de 153 pages «La famille Donald Foley» compilé en 1974 par le prêtre Jean-Louis Foley.
Cimetière de Saint-Casimir
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